Dur de tirer une seule du large répertoire de Bénabar pour en parler ; chacune d’entre elles a une histoire. Chacune fait partie intégrante de l’atmosphère d’un album, mais comme nous n’allons pas les mentionner toutes, pour l’instant, en voilà une tirée de son premier album de 1997 : la p’tite monnaie.
Sur cet album, resté plutôt discret, Bénabar a proposé 12 titres avec une piste bonus. Nous avons choisi ici de parler de la chanson intitulé « Le 115 ». À travers ce texte, il livre un récit qui mêle l’amour, le monde de la nuit, les amis et le poker.
Ce n’est pas tant pour le jeu de cartes de plus en plus populaire d’ailleurs que nous avons choisi cette chanson mais plus pour cette notion de bande de potes et de fête prolongée entre copains. A la Brassens, un peu, mais des années plus tard et dans un autre style, ce côté bande fait toujours l’effet d’être une des grandes forces derrière l’entrain et l’énergie de Bénabar. Ici, le fond est un peu particulier parce que le vrai thème en fait n’est pas celui qu’on croit. Il se dévoile entre les lignes, au fil de la chanson, pour éclater vraiment à la fin.
Le 115, une nuit de fête déjantée entre copains sur fond de séparation
On a passé la nuit à jouer au poker
Vider des cendriers et des canettes de bières
J’ai perdu 1000 $ en jetons nacrés
Cette fois y’en a marre, Kamel doit tricher.
Puis Patchol m’a emmené dans une boite à la mode
« Soirée privée! » Je suis rentré à pied
Faut pas traiter les videurs de pédale, j’ai l’épaule droite déboîtée
Tu vois ça va, avec ou sans toi, je refais ma vie… Tant pis !
D’un point de vue mélodique, cette chanson donne le ton d’entrée. Elle part, en effet, sur une rythme entraînant aux accents de fanfares qui pourrait évoquer les départs de musique de cirques un peu fanfaronnes ou burlesques.
Sur fond de fêtes déjantées, cette chanson déroule entre les lignes, la survie et la volonté de maintenir la tête sous l’eau après une séparation. Tout y va à 100 à l’heure et les images défilent entre quelques piqure de rappel du malaise : Tu vois ça va, avec ou sans toi, je refais ma vie… Tant pis! ». Le chanteur y dévore la vie peut-être un peu trop à la hâte, un peu trop vite comme dans un course à l’oubli ?
Comme dans tous ces textes, Bénabar a ce chic pour introduire des éléments de réalité qui capturent l’air du temps en plus de photographier les situations : « J’ai bouffé chez des gens qui parlaient d’Internet, d’Au-delà du réel, de Nova magazine.. » On est en 1997, le web démarre juste et Bénabar le met déjà en chanson. Il se tient toujours sur le fil de l’observation d’une certaine modernité et c’est souvent là que vous le trouverez avec sa plume ciselée. La soirée mouvementée continue de scander cette drôle de balade burlesque et un peu désespérée. « C’est pas facile de faire semblant ». Les videurs qui cognent, les flics et le poste, les fins de soirée en pleine perdition. On verra même passer les Muvrinis en fond…
Quant à savoir si Bénabar joue au poker ? Le texte le laisse clairement supposé avec la perte de ses 1000 dollars en jetons nacrés. En 1997 date de la chanson, les premiers tournois de poker ne sont pas très loin d’être médiatisés sur Canal+ mais l’histoire ne dit pas si notre chanteur national, à depuis engouffré avec d’autres célébrités dans cette passion. Il le fait peut-être dans des cercles très privés ? En tout cas, on ne l’a pas vu à des tables professionnelles ou dans de grands tournois médiatisés à l’instar de Patrick Bruel ou même de Kool Shen . Il peut donc s’agir d’humour ou de petites parties de poker entre amis.
Ascension du poker en France et dans les milieux people
Bien après la chanson de Bénabar et les légendaires tournois de poker retransmis sur Canal, le jeu de cartes américain est sorti des cercles privés parisiens pour devenir extrêmement populaire et médiatique sur l’ensemble du territoire. Depuis 2010, la loi française lui a notamment donné un vrai coup de boost en normalisant un certain nombre de sites de jeux et de paris sur le web et en rendant légal, au passage, le poker en ligne. En France, de gros éditeurs du monde du jeu et du casino ont désormais pignon sur rue et des événements d’envergure permettent à des milliers de joueurs de se mesurer, chaque année, dans les salles virtuelles. Bonus attrayants, gros prix à la clef, il y a largement de quoi les motiver.
Du côté des publics concernés, cette effervescence rassemble de nombreux amateurs et débutants attirés par la perspective de gagner tout en passant de bons moments. Les catégories de joueurs intéressés varient amplement. Les filles semblent s’y mettre de plus en plus et on peut trouver toutes les couches sociales, avec semble-t-il une prédilection pour les publics d’un certain niveau d’instruction et ayant déjà un emploi. A l’image de Bénabar dans cette chanson, les célébrités sont également de grands adeptes du poker et elles n’hésitent pas à se montrer aux plus belles tables durant les tournois. Il existe ainsi des As du tapis vert qui sont aussi de véritables stars habituées des tapis rouges.
Nous pouvons en citer quelques-uns tels que Patrick Bruel. Il figure comme une des personnalités qui a joué un rôle important dans l’histoire du poker français depuis les années 2000. Avec l’arrivée du poker virtuel, il continue sa lancée sur cette image de grand joueur dans la sphère des célébrités. Christophe Schaming et Alexandre Roos sont pareillement de grands ambassadeurs de cette discipline de poker virtuel. Kool Shen déjà, cité plus haut, a été également vu à certaines grandes tables. Si les casinos ne sont pas autorisés à Paris même, les nombreux cercles de poker privés de la capitale accueillent aussi, de manière plus discrète, d’autres noms de la musique ou du cinéma. On se souvient du regretté chanteur Christophe, emporté récemment, et qui avait affiché, de longue date, sa passion pour le poker.